De la bière et des hommes

De la bière et des hommes

Voici un article que j’ai écrit pour le dernier numéro du journal Plantes Médicinales publié par la Guilde des Herboristes qui portait sur la santé des hommes. Il couvre un sujet important, mais trop négligé de la santé des hommes, soit l’effet de la bière sur leur santé sexuelle, particulièrement leur libido. Alors troubles érectiles ou pas, lisez attentivement messieurs!

Commençons cet article par une admission de biais de ma part : je n’aime pas le houblon; le goût, certainement, mais particulièrement l’effet, beaucoup trop sédatif pour ma personnalité tranquille.

Continuons avec un petit retour historique. Avant le XIVe siècle, la bière ne contenait que rarement du houblon. Une multitude de plantes étaient utilisées pour parfumer et conserver la bière : le myrique baumier, le thé du Labrador (ou son équivalent européen, le lédon des marais) et l’achillée millefeuille. Ensemble, elles formaient ce qu’on appelait le gruit, qui était additionné aux grains maltés avant la fermentation. D’autres plantes, comme la bruyère, le genévrier, l’absinthe ou même la jusquiame noire, pouvaient aussi être ajoutées à la bière pour la parfumer, lui ajouter des effets thérapeutiques ou la rendre simplement plus enivrante, voire hallucinatoire. Avec la réforme protestante est survenue une certaine forme de puritanisme : on considérait alors que la bière produite ainsi était beaucoup trop aphrodisiaque et excitante. Par ailleurs, on voulait éviter de payer la taxe sur le gruit, souvent perçue par l’Église catholique, qui effectuait l’essentiel des ventes. Il s’ensuivit donc une guerre commerciale qui dura près de 200 ans, de laquelle le houblon sortit finalement vainqueur. Bien qu’il existe quelques microbrasseries qui produisent de la bière de gruit, voire se spécialisent dans sa fabrication, de nos jours, la vaste majorité des bières sur le marché contiennent du houblon, ce qui les rend bien plus sédatives et anaphrodisiaques que les bières traditionnelles (Buhner, 1998). Je ne peux m’empêcher de penser que des femmes mal mariées n’avaient d’autre choix que de jouer un rôle dans ce bras de fer moral, religieux et commercial en produisant une bière qui leur accordait une pause dans l’accomplissement de leurs devoirs conjugaux!

Le houblon contenu dans la bière peut exercer des actions thérapeutiques sur l’appareil sexuel masculin. Certaines de ces actions seraient positives (des constituants du houblon exercent [in vitro] un effet protecteur face au cancer de la prostate [Deeb et coll., 2010]), tandis que d’autres le seraient moins. Le houblon est considéré comme une plante anaphrodisiaque (du moins, pour les hommes) par le Dr Weiss (2001). La plupart des auteurs du monde de l’herboristerie (voir aussi Green, 1991) s’entendent d’ailleurs pour mentionner le houblon comme avenue possible pour prévenir l’éjaculation précoce ou nocturne. Comme le houblon contient les phytœstrogènes les plus puissants du monde végétal (Buhner, 2007) et que ceux-ci sont intensifiés par la fermentation à l’origine de la fabrication de la bière et par celle se produisant dans l’intestin (Possemiers et coll. 2006), il me semblerait opportun de cesser de consommer de la bière de houblon, messieurs, quand vous expérimentez des symptômes liés à un excès d’œstrogènes, comme la baisse de libido ou la gynécomastie (développement anormal de glandes mammaires). De plus, comme les flavonoïdes œstrogéniques du houblon semblent avoir un effet synergique avec les pesticides (Aichinger, Bliem et Marko, 2021), peut-être devrions-nous tous nous convertir minimalement à la bière biologique?

Je conclus donc en appelant les microbrasseurs à produire plus de bières sans houblon. C’est possible, ça peut être délicieux et les effets n’en seront que plus agréables. Qui ne veut pas, en effet, d’une bière aphrodisiaque et légèrement psychotrope? Si vous cherchez de l’inspiration, le livre de Stephen Buhner, Sacred and Herbal Healing Beers, regorge de recettes anciennes.

J’ajouterais que si vous pensez, messieurs, avoir possiblement trop été exposé à l’effet du houblon lors de votre vie et que vous en ressentez maintenant les effets, il est possible que d’autres plantes puissent vous aider. Contactez-moi!

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450-365-5232

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Aichinger, G., Bliem, G. et Marko, D. (2021) « Systemically Achievable Doses of Beer Flavonoids Induce Estrogenicity in Human Endometrial Cells and Cause Synergistic Effects With Selected Pesticides », dans Frontiers in Nutrition. 8:691872.

Buhner, S. H. (1998) Sacred and Herbal Healing Beers. Siris Book.

Buhner, S. H. (2007) The Natural Testosterone Plan. Healing Art Press.

Deeb, D. et coll. (2010) « Growth Inhibitory and Apoptosis-Inducing Effects of Xanthohumol, a Prenylated Chalone Present in Hops, in Human Prostate Cancer Cells », dans Anticancer Research. Sep;30(9):3333-9.

Green, J. (1991) The Male Herbal: Health Care for Men and Boys. The Crossing Press.

Possemiers, S. et coll. (2006) « The Prenylflavonoid Isoxanthohumol from Hops (Humulus lupulus L.) Is Activated into the Potent Phytoestrogen 8-Prenylnaringenin in Vitro and in the Human Intestine », dans The Journal of Nutrition. Jul;136(7):1862-7.

Weiss, R. F. (2001) Weiss’s Herbal Medicine. Classic edition. Thieme.

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