parcours d’herboriste

parcours d’herboriste

Il m’arrive souvent de m’émerveiller sur tous les virages que ma vie a pris pour me permettre de devenir herboriste. Dans mes tous premiers souvenirs d’enfance, il y a des pique-niques improvisés à l’oseille et à la ciboulette, deux plantes abondantes dans notre jardin. Sur une note plus sombre, il y a un épisode d’empoisonnement que j’ai aussitôt associé à une plante que j’avais goûtée, attirée par ses belles fleurs bleues. Je l’avais vomie tout juste après l’avoir ingérée et n’en avais parlé à personne, consciente que j’avais fait une grosse bêtise. Ce n’est que près de trente ans plus tard que j’ai appris à quoi j’avais échappé : la belle plante aux fleurs bleues était de l’aconite, l’une des plantes les plus toxiques du Québec. On peut s’empoisonner simplement en y touchant. Comment ai-je bien pu survivre à cette première expérimentation, je l’ignore, mais si j’ai retenu de ne pas essayer de manger tout ce qui poussait autour de moi, je n’en ai pas moins gardé une curiosité insatiable en ce qui avait trait aux plantes. Je voulais tout savoir d’elles, si on pouvait les manger, comment elles s’appelaient, comment elles poussaient. Je me souviens d’avoir cherché longtemps le nom de l’épilobe et de l’épervière, de si belles fleurs devant bien avoir un nom elles aussi. Comment les adultes autour de moi pouvaient-ils les ignorer?

J’ai continué à grandir, je me suis éloignée de ma forêt bien-aimée et quand est venu pour moi le temps de choisir mes études, j’avais complètement oublié ces balades avec ma mère et le guide Fleurbec pour aller rencontrer les plantes. J’adorais apprendre et tout sujet m’était facile. À un professeur qui me demandait pourquoi je n’irais pas en médecine, j’ai répondu que je n’aimais pas l’odeur des hôpitaux… Étrange raison qui aurait pu me donner un indice sur le chemin à suivre si je m’étais souvenue à ce moment là de l’odeur des plantes fraîches, tellement plus riche et suave que celle des désinfectants! C’est presque par accident que j’ai choisi mon premier sujet d’étude. Mes yeux s’étaient accrochés sur les mots « les déterminants écologiques de la santé » dans l’école de l’environnement de Mc Gill. Je parlais très mal anglais, mais j’ai appliqué quand même, à tout hasard. Puis en attendant les réponses à mes nombreuses applications, j’ai réalisé que c’était le seul sujet susceptible de m’intéresser à long terme. Et l’anglais ça s’apprend! Je m’y suis donc lancée. C’est au cours de ma troisième année que j’ai constaté que l’intérêt que j’avais pour les plantes n’était pas partagé par tous. Dans mon cours de botanique- où j’étais la seule pour qui il ne s’agissait pas d’un cours obligatoire- je ne cessais de poser des questions sur les fonctions des plantes; je voulais savoir si on pouvait les manger, les utiliser. Ce n’était pas vraiment le sujet du cours, plus axé sur l’identification et la nomenclature, mais j’ai quand même reçu quelques réponses. Quand j’ai fini mon bac, je ne savais toujours pas pourquoi je l’avais terminé. Je ne me voyais pas travailler à faire des recherches en environnement, ce qui implique généralement plus d’ordinateur que de terrain, et l’activisme environnemental est aussi loin de ma personnalité que faire se peut.

Je suis donc partie en voyage, seule, en Asie. Et là encore, je regardais les milliers de plantes inconnues qui m’entouraient avec admiration. Je buvais des infusions de gingembre contre la fièvre ou le mal des transports et je cherchais toujours à en apprendre plus sur les plantes et leurs utilisations. Je rencontrais des sociétés qui avaient gardé un contact étroit avec le monde végétal et j’en apprenais un peu plus au hasard de mes rencontres. Puis dans un long trajet d’autobus qui m’emmenait dans une région perdue du Laos, après une discussion dans laquelle j’essayais de décrire mes aspirations à d’autres voyageurs, j’ai enfin compris que je voulais être herboriste. Je ne suis pas certaine que j’avais le titre exact à ce moment là, mais je voulais soigner avec les plantes. Avec nos plantes. Celles qui nous entourent, qui nous sont familières.

À mon retour, j’ai découvert Maurice Mésségué, un herboriste français qui a écrit des livres si réels qu’on entend son accent jusque dans ses écrits. Je me suis mise à lire sur le sujet, mais sans réellement entreprendre de démarche afin de devenir herboriste, jusqu’au soir où j’ai confié mon ambition à ma famille. La réponse n’a pas été très enthousiaste, c’est le moins qu’on puisse dire, et par réaction, je me suis mise à chercher. J’ai choisi de partir au Royaume-Uni parce qu’on y donnait des formations universitaires approuvées par une organisation d’herboristes reconnue et que j’y apprendrais des sujets qu’on enseigne ici aux médecins. J’avais enfin trouvé comment éviter l’odeur des hôpitaux.

L’école que j’ai choisie se trouvait en Écosse. J’avais approuvé le papier recyclé du pamphlet qui m’avait été envoyé, ainsi que l’absence de cravate, les cheveux longs et les barbes sur les photos des professeurs. Je ne savais rien de Glasgow, où j’allais passer les quatre prochaines années de ma vie (fort heureusement sinon j’aurais hésité bien plus longtemps!) Après mon passage à McGill, je me savais assez à l’aise en anglais pour faire face à n’importe quel accent. Je n’avais pas encore entendu celui des Highlands, ni de Manchester, mais au final, j’ai survécu.écosse

Dans mes premières années en Écosse, malgré la température exécrable, les appartements impossibles à chauffer et tellement humides que la moisissure s’installait sur les murs, je me savais enfin finalement à ma place, en train d’apprendre ce qui me passionnait, avec des gens qui me ressemblaient. Puis les durs hivers sombres et humides ont pris leur dû et lors de ma dernière année, je n’avais plus qu’une envie : rentrer au pays, y planter mes racines.

J’ai eu l’impression de renaître lors de mon premier été au Québec : je travaillais sur une ferme biologique d’herboristerie, la Maria, les mains dans la terre. Je sentais le soleil et la chaleur sur ma peau comme jamais lors d’un été à Glasgow. Je reconnaissais les plantes de mon enfance, l’épervière, l’épilobe et le sapin baumier. J’étais enfin chez moi.

L’été suivant, j’ai appris une autre façon de travailler avec les plantes avec une herboriste américaine, Pam Montgomery. Cette formation m’a apporté beaucoup et m’a enfin permis de me sentir à l’aise de pratiquer comme herboriste thérapeute. Jusqu’à aujourd’hui, je continue à apprendre en tant qu’herboriste de chaque personne qui vient me voir. Je développe ma propre façon de faire, celle qui convient le mieux à moi et à ma clientèle. Parce qu’il n’y a pas une seule façon de pratiquer l’herboristerie. Il y en a autant qu’il y a d’herboristes.

Finalement, je me suis installée à St-Jean-de-Matha et j’y ai laissé pousser mes racines. J’entends bien demeurer ici longtemps et aider les gens à cheminer vers leur santé.

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